©JulienBonnel-DR |
J’ai grandi à Paris et j’ai suivi une prépa maths physique dans cette ville. Ensuite, j’ai intégré une école d’ingénieur à Grenoble qui s’appelle aujourd’hui l’Ecole nationale supérieure de l’énergie, l’eau et l’environnement (Ense³). J’ai fait une thèse à la fin de mon école d’ingénieur et je me suis donc réengagé pour trois ans. J’ai un diplôme d’ingénieur en génie électrique spécialisé traitement du signal et des images et puis au cours de ma thèse, j’ai fait du traitement du signal appliqué à l’acoustique sous-marine.
Qui dit acoustique sous-marine dit océan. À Grenoble, il y a les montagnes, mais pas la mer… Je suis donc arrivé dans le Finistère : suite à mon doctorat, j’ai obtenu un poste d’enseignant-chercheur à l’ENSTA Bretagne. J’étais rattaché au Lab-STICC et j’étais responsable d’une petite équipe qui s’appelait « Acoustique passive ». L’objectif principal de notre travail était de mieux comprendre l’environnement marin en écoutant sa cacophonie. Je suis resté sept ans à l’ENSTA Bretagne et j’ai ensuite eu l’opportunité, en 2017 d’arriver aux États-Unis au WHOI qui est dans le top deux de l’océanographie nord-américaine.
Le WHOI ouvrait un poste en « traitement du signal et acoustique sous-marine ». C’était pour moi ! Ça n’était pas arrivé depuis sept ans, je me suis dit que j’allais essayer… Il y a eu un lent glissement dans mon parcours professionnel du génie électrique à l’océanographie acoustique… c’était une volonté de me rapprocher de ce type de poste. Aujourd’hui, je suis manager du groupe Ocean Acoustics & Signal Processing Laboratory , un poste équivalent à celui de responsable d’équipe de laboratoire CNRS en France. Nous sommes six permanents.
Le WHOI est un animal étrange, même dans le système américain. Ce n’est pas une université, mais un institut privé à but non lucratif. Pour les chercheurs comme moi, même une fois devenus permanents, notre salaire n’est pas assuré par l’État. Nous avons la pression constante d’aller chercher nos revenus via du financement externe. Pour ma part, mon activité de recherche est partagée entre des activités orientées Défense, que ce soit la défense américaine ou la défense française, et des activités environnementales, notamment en collaboration avec des collègues brestois sur l’éco-acoustique et des questions autour de l’impact du bruit sur les animaux marins. Ce sont des questions importantes en Bretagne avec l’arrivée des éoliennes. Ce que nous avons démontré avec les équipes brestoises c’est que cette pollution sonore a un effet sur l’écosystème marin, mais c’est compliqué, non linéaire et mérite d’autres travaux de recherches.
Ce que j’aime dans mes travaux, c’est cette navette permanente entre les deux univers, Défense et Environnement. Sans aucun doute en acoustique sous-marine, c’est la Défense qui tire l’état de l’art vers le haut. Ce secteur a les moyens et du matériel perfectionné. Mais en parallèle, il y a de gros besoins sociétaux et environnementaux. En réalité, même si les militaires et les biologistes n’utilisent pas le même vocabulaire, ils ont les mêmes besoins scientifiques et les mêmes questions fondamentales : pour faire simple, il n’y a pas grande différence entre écouter un sous-marin ou une baleine. En faisant le lien entre ces deux communautés, on peut accélérer la transmission du savoir et assurer une transition rapide entre les découvertes académiques et leur impact sociétal. Il y a un réel intérêt à travailler main dans la main entre Défense et Écologie.